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adressant un mot agréable à chacun. Le repas était servi dans une vaste salle ou plutôt un péristyle d’où l’on pouvait voir un peloton de la garde royale avec drapeau et tambour en tête, rangé en ligne dans la cour.

Lorsque j’allai prendre congé de Sa Majesté, elle daigna m’offrir un petit sachet de soie verte contenant les pièces de monnaie d’or et d’argent en usage dans le pays, courtoisie à laquelle j’étais loin de m’attendre et dont je lui témoignai toute ma gratitude.

Sa Majesté Phra-Bard-Somdetch-Phra-Pharamendr-Maha-Mongkut, aujourd’hui régnante à Siam, est, de fait, maîtresse absolue des êtres et des choses de son royaume. Le sol même, fonds et tréfonds, comme dirait un notaire, est sa propriété ; nul ne peut y posséder, y vivre même sans sa permission. Chef infaillible de l’armée, de la loi et du culte, il nomme à tous les emplois civils, militaires et religieux. Il peut, à son gré, créer des princes de talapoins et des chefs de pagodes ; il peut aussi les révoquer. S’il use peu de ce dernier droit, c’est moins par respect pour son clergé que pour ses propres souvenirs. Il a longtemps vécu de la vie des talapoins avant d’être roi. Passer par la filière monacale est une condition, la seule peut-être que l’usage exige à Siam de la royauté.

Quel que soit son passé, le roi de Siam affiche des prétentions à l’administration et à la politique ; il donne, dans ce but, deux audiences par jour à ses mandarins et à ses ministres. La première commence à dix heures du matin et finit à deux ou trois heures de l’après-midi ; la seconde se tient entre