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trous qu’il y a de tuyaux. Leurs autres instruments ressemblent à ceux des Siamois.

Le 9 août, je quittai Luang-Prabang pour visiter les districts à l’est et au nord de cette ville.

Toute cette contrée n’est qu’une interminable succession de montagnes et de vallées ; celles-ci se creusent de plus en plus ; celles-là s’escarpent davantage au fur et à mesure qu’on remonte vers le nord. Sur les sommets s’étendent d’épais jungles où retentit sans relâche le cri plaintif du gibbon, et souvent aussi le rauquement du tigre. Sur les pentes s’élèvent des futaies d’une essence résineuse, dont l’exploitation, industrie particulière du Laos, rappelle les procédés des résiniers des Landes. Enfin, dans les concavités du sol, où règne le climat torride, l’arbre le plus commun est le palmier lan, dont les feuilles, depuis des milliers d’années, tiennent lieu de papyrus, de parchemin et de papier aux poètes sanscrits et aux théologiens de l’Indo-Chine.

Le 15 août, par une nuit splendide, je vins camper sur les bords du Nam-Kane ; la lune brillait d’un éclat extraordinaire, argentant la surface de cette charmante rivière, que bordent de hautes montagnes comme un immense et sombre rempart. Le cri des grillons troublait seul le calme et le silence dans lesquels mon petit cottage était plongé. De ma fenêtre, je dominais un paysage ravissant, tout diapré de teintes opalées ; mais depuis quelque temps je ne puis apprécier ces choses ou en jouir comme autrefois ; je me sens triste, pensif et malheureux. Je regrette le sol natal. Je voudrais un peu de vie. La solitude continue me pèse.