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ce qui sera dû pour tout le temps qu’il mettra à retourner.

Je crois qu’il avait le mal du pays. J’éprouvais moins de sympathie pour lui que pour mes autres serviteurs. Il est vrai que je ne l’avais que depuis peu. Il devait ou beaucoup souffrir, ou ne pas se plaire avec moi. Je l’ai vivement prié de rester, mais en vain ; il fallait se presser, le roi devant partir le surlendemain. Je louai donc un bateau pour le conduire à la ville ; le bon petit Phraï, ce matin, l’a conduit et recommandé de ma part à un vieux bonhomme de mandarin de ma connaissance.

Je lui ai donné tout ce qui lui sera nécessaire pour son voyage, même s’il dure trois mois ; il ne manquera de rien, et à son arrivée à Bangkok il se trouvera possesseur d’un petit pécule. Au moment de partir, il est venu me saluer en se prosternant ; je l’ai relevé en lui prenant les mains : alors les pleurs, puis les sanglots, sont venus, et c’est ainsi qu’il a passé de la rive au bateau. À mon tour, lorsque je me suis trouvé seul dans ma hutte, mon cœur s’est gonflé et un torrent de larmes s’est échappé de mes yeux.

Quoique soulagé, je ne sais quand je retrouverai le calme complet, car je verrai souvent, et le jour, et la nuit, ce pauvre garçon dans le bois, malade peut-être et au milieu de gens indifférents ou durs. Si c’était à recommencer, je m’opposerais à son départ, et pour rien au monde je ne céderais à son obstination ; et cependant, s’il était tombé malade ici, s’il était mort, quels reproches ne me serais-je pas adressés ! Il m’était confié par le bon P. Larnaudie.