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séance tenante et, par ma foi, jugée fort bonne.

Je me mis donc en frais ; mais il fallait bien récompenser ces pauvres gens ; car enfin le roi est complaisant et bon pour moi ; il se charge de mes lettres ; c’est lui-même qui les portera à Bangkok, où il va, je crois, prêter son serment d’allégeance et de vassalité. Il est donc bien heureux qu’il ne comprenne pas le français, car si le « lâche abus » du système de curiosité postale transmis à ses descendants « par le grand roi qui trahit la Vallière… » avait pénétré jusque dans ce pays, je risquerais fort d’être pendu au sommet du plus grand arbre qu’on, pourrait trouver, sans même recevoir un premier avertissement.

Je distribuai ensuite aux princes des estampes dont j’avais fait provision à Bangkok, de beaux cavaliers la lance au poing, des Napoléon le Grand à deux sous, des batailles de Magenta, des Victor-Emmanuel, des Garibaldi, très-enluminés de blanc, de bleu et de rouge, des zouaves, des clous à tête dorée, de l’eau-de-vie camphrée, etc. Il fallait voir comme ils étaient heureux et contents, ne regrettant tous qu’une chose : mon départ de la capitale avant d’avoir épuisé en leur faveur le fond de mon sac à jouets.

Mon troisième domestique, Song, que j’avais engagé à Pakpriau, m’a demandé avec, instance de le laisser retourner à Bangkok à la suite du roi de Luang-Prabang. J’ai tout fait pour le retenir, mais il paraît opiniâtre et décidé. Je ne puis le contraindre à rester. Je lui ai payé ses gages jusqu’à ce jour et lui ai donné une lettre pour Bangkok, où il touchera