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des théières et crachoirs d’argent, contemplait cette scène et avait beaucoup de peine à tenir son sérieux, tout en fumant son bouri et songeant combien il eût été facile de faire un mauvais jeu de mots sur toute cette basse-cour.

Cette visite me coûta un fusil pour le premier roi, une quantité d’autres petits présents pour les princes : car on ne peut voyager dans tous ces pays sans être bien muni de cadeaux pour les souverains, princes, mandarins et autres variétés du même genre.

Heureusement, ici ce n’est plus comme à Siam, je trouve de l’aide dans les indigènes. Avec deux, trois et tout au plus quatre pouces de fil de laiton, je me procure un beau longicorne, ou tout autre insecte ; on m’en apporte de tous les côtés ; c’est ainsi que j’ai réussi, en route, à recueillir des richesses inappréciables, si bien que cinq pièces de toile rouge y ont passé ; j’ai renouvelé ma provision ici avec les économies faites en route, et j’en ai pour six mois. Tout ira de mieux en mieux, surtout chez les bons sauvages que je vais visiter.

Le lendemain de ma première audience, j’en eus une autre du deuxième roi, qui voulait aussi des cadeaux ; je fouillai dans ma caisse de bimbeloterie, qui ailleurs me ferait passer pour un marchand de bric-à-brac, et j’y découvris une loupe, une paire de lunettes du vieux style, c’est-à-dire à verres ronds, avec lesquels Sa Majesté en second a l’air d’un gorille sans poil, un petit pain de savon marbré (elle en avait besoin), un flacon d’eau de Cologne et une bouteille de cognac. Cette dernière fut ouverte