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ont osé y faire des recherches ont été comme frappés de folie.

Deux chemins conduisent de Tchaïapoune à Poukiéau ; le premier, à travers les montagnes, est excessivement difficile, et, dans la crainte de briser mes instruments, nous prîmes le second, qui est censé tourner le mauvais pas, mais qui prend le double de temps. Le premier jour, partis à une heure, nous atteignîmes un village nommé Nam-Jasiea, où nous fûmes surpris par un orage épouvantable. Nous étant abrités aussi bien que nous pûmes, nous gagnâmes l’entrée d’une forêt pour y passer la nuit. Depuis ce moment, la pluie ne cessa de tomber pendant plusieurs heures durant le jour et toutes les nuits suivantes ; pendant cinq jours nous ne quittâmes plus la forêt et ne vîmes aucune habitation. Il est vrai que nos jeunes éléphants étaient très-chargés, et nous ne pouvions guère faire plus de trois à cinq lieues par jour. Les torrents avaient débordé, et la terre ne présentait plus qu’un lit de fange et d’eau ; aussi je passai là les nuits les plus pénibles de ma vie, contraint que je fus de rester constamment avec mes habits mouillés sur le dos. On ne peut imaginer ce que nous eûmes à souffrir. C’était à regretter les chasse-neige, ces ouragans de frimats, si fréquents en Russie, au milieu desquels je manquai mourir plus d’une fois.

Mon pauvre Phraï fut saisi d’une horrible fièvre deux jours avant d’arriver à Poukiéau, et moi-même je me sentis très-indisposé. Le passage de la montagne est facile, l’ascension presque insensible ; des blocs de grès obstruent, il est vrai, le sentier en