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que le commerce donne à tous ces infatigables négociants et industriels, leur procure aussi le moyen de satisfaire leurs terribles passions : le jeu et l’opium. On n’en voit que trop couchés sous un hangar, leur longue et maigre échine courbée, leurs doigts crispés sur leurs affreuses cartes, ou bien plongés dans une espèce de léthargie, au fond de sombres et sales réduits infects, qu’éclaire seulement la faible lumière de leur lampe de fumeur d’opium. L’argent sort à pleines mains de leurs bourses, mais finit toujours, comme à Bangkok, par retourner aux mandarins. Joueurs ou non, le commerce enrichit le plus grand nombre ; et quoiqu’ils commencent pauvres et avec des marchandises d’emprunts confiées, sur la simple recommandation d’un ami, par quelque compatriote dont les magasins regorgent, un petit nombre de voyages suffit, il paraît, pour leur donner un capital.

C’est de tout le Laos oriental, d’Oubone, de Bassac, de Jasoutone, ainsi que des villages laotiens de la province de Kôrat, que les marchandises, dont la soie, quoique d’une qualité tout à fait inférieure, fait le principal article, descendent à ce marché. Là, comme ailleurs et comme le dit le Siamois avec une fierté vraiment castillane, le Siamois ne sait produire que son riz.

Si la ville de Kôrat est peu populeuse, la province entière, qui compte une foule de villages et plus de onze petites villes ou chefs-lieux de districts, espacés à quatre, six et huit journées de distance, doit compter de cinquante à soixante mille habitants. Ce petit État est simplement tributaire de Siam, mais à