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les mauvaises chances du jeu et des transactions commerciales, et qui indiquent les jours et les heures favorables pour la naissance, le mariage, le départ et le retour d’un voyage, la construction d’une maison, en un mot pour tous les événements, pour toutes les opérations de quelque importance de la vie domestique ou sociale.

Une superstition moins innocente, s’il faut en croire l’évêque missionnaire Bruguière[1], serait celle qui exige du sang humain pour arroser les fondations de toute nouvelle porte construite dans l’enceinte d’une cité. Des voyageurs modernes ont constaté l’existence de cette horrible coutume dans le centre de l’Afrique[2] ; à Siam, elle ne peut être considérée que comme une effluve tout à la fois morbide et vivace, une irradiation délétère venant, jusqu’aux jours actuels, des profondeurs des siècles, et dont il faut chercher l’origine dans cette époque de barbarie primitive, où la race couchite dominait dans l’orient et le midi de l’Asie. L’évêque Pallegoix, qui avoue pourtant avoir lu quelque chose de semblable dans les Annales de Siam, n’ose affirmer le fait tel que le raconte son collègue, dont voici le récit textuel :

« Lorsque l’on construit une nouvelle porte aux remparts de la ville, ou lorsqu’on en répare une qui existait déjà, il est fixé, je ne sais par quel article superstitieux, qu’il faut immoler trois hommes innocents. Voici comment on procède à cette exécution

  1. Annales de la Propagation de la foi, 1832.
  2. Voir entre autres dans Raffenel, Voyage dans le pays des nègres, la terrible légende que ce voyageur a empruntée à l’histoire moderne de Ségo.