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sont également en beaucoup plus grand nombre. Avant-hier, de notre barque, j’en tuai un d’une grosseur énorme, le plus grand que j’eusse vu jusqu’à présent. Un Laotien, ancien chasseur renommé pour son adresse et son courage, m’a raconté, au sujet de ces amphibies, l’anecdote suivante : « Un alligator dormait sur le sable, tout près de la rivière, la gueule ouverte. Un tigre, venu là pour se désaltérer, s’approche et fourre sa patte entre les mâchoires béantes ; le croc se referme, et le tigre est aussitôt entraîné sous l’eau. Grâce à ses efforts désespérés, celui-ci parvient à ramener au rivage son adversaire, qui à son tour l’entraîne une seconde fois. De nouveau le tigre regagne la rive, et le crocodile l’emporte encore. La lutte dura ainsi quelque temps, jusqu’à ce qu’enfin la balle du vieux chasseur ayant frappé le tigre, les deux adversaires disparurent, ne laissant à la surface de l’eau qu’un filet de sang. »