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Depuis deux jours nous faisons bombance ; au moment où les vivres commençaient à nous manquer, le poisson s’est avisé de remonter la rivière, et c’est par centaines qu’on les prend à la trouble ; ils ne sont guère plus gros que des sardines, il est vrai ; mais en une heure nous en avons pris de quoi remplir six ou huit paniers, et mes deux serviteurs ont assez à faire à couper les têtes et à saler.

Tous les enfants du voisinage, dont la plupart sont encore à la mamelle, viennent constamment m’apporter des insectes pour avoir un bouton de cuivre ou une cigarette. Oui, une cigarette ! ces bambins quittent le sein de leur mère pour la pipe et alternativement ; s’ils n’étaient pas si sales, ils seraient gentils, et je serais porté à les caresser ; mais depuis que j’y ai été pris, je crains les affections cutanées.

Le Laotien est aussi superstitieux que le Cambodgien, et plus peut-être que le Siamois. Si quelque personne tombe malade de la fièvre ou seulement de quelque légère indisposition, à coup sûr c’est le démon qui est entré dans son corps. Si quelque affaire ne réussit pas, ce ne peut être que la faute du démon ; si quelque accident arrive à la chasse ou à la pêche, ou en coupant du bois dans la forêt, c’est le démon et toujours le démon. Dans les maisons, ils conservent précieusement un talisman, généralement un simple morceau de bois, ou une plante parasite dont la forme possède quelque ressemblance avec une partie quelconque du corps humain, et qui doit à cette circonstance de devenir le dieu lare du foyer, le protecteur qui en écarte tout les mauvais génies.