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qu’aux talapoins des pagodes voisines, viennent chaque jour m’apporter des bêtes, comme ils disent ; les uns des sauterelles, les autres des scorpions ; qui des serpents, qui des tortues, etc., et le tout accroché au bout d’un bâton. Leur but, ce faisant, est d’obtenir en retour un ou deux boutons de cuivre, quelques grains de verroterie, ou un peu de toile rouge.

Le vent du nord se fait très-souvent sentir ; cependant ceux du sud-est et du sud-ouest reprennent quelquefois le dessus et nous ramènent de la pluie ; mais la chaleur des nuits diminue chaque jour, au point que maintenant après trois heures du matin je puis supporter une couverture ou m’envelopper de mon burnous. Mes deux serviteurs ont de temps en temps quelques atteintes de fièvre intermittente ; ils se plaignent souvent du froid à l’estomac. La mort nous dresse tant d’embûches dans ces lieux humides que celui qui y échappe peut se considérer comme privilégié.

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L’air commence à fraîchir à la fin de novembre ; avec décembre nous entrons en plein hiver ; une bonne brise, pareille à notre bise de mars, souffle du nord toute la journée, et, la nuit, le thermomètre baisse déjà jusqu’à quinze degrés centigrades. Le soir, je me promène au bord de la rivière enveloppé d’un chaud burnous, le capuchon relevé ; c’est un plaisir que je n’avais pas goûté depuis ma visite à Phrâbat il y a deux ans. Il faut avoir passé tant de nuits d’insomnie, suffoquant de l’extrême chaleur, pour se figurer le bien-être que l’on éprouve à dormir enfin sous une bonne couverture de laine