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loppe d’une atmosphère d’étuve ou de serre chaude ; mais nos peines ont été largement compensées par une chasse abondante et fructueuse : les longicornes abondaient, et, aujourd’hui, j’ai une boite pleine de plus de mille insectes rares et nouveaux ; j’ai même été assez heureux pour remplacer un certain nombre des rares espèces de Petchaburi qui ont été détruites ou détériorées par l’eau de mer dans ma collection naufragée avec le Sir J. Brooke.

Les habitants du village et des environs, et jus-

    mon opinion que cette plaine avait été mer autrefois. Voulant donc résoudre la question de manière à lever tous les doutes, je fis creuser dans le terrain de notre église à Bangkok : un puits de vingt-quatre pieds de profondeur ; l’eau qui se rassemblait au fond était plus salée que l’eau de mer ; la vase molle qu’on ramenait du fond était mêlée de plusieurs sortes de coquillages marins, dont un bon nombre étaient en bon état de conservation ; mais ce qui finit par lever tous les doutes fut une grosse patte de crabe et des concrétions pierreuses auxquelles adhéraient de jolis coquillages.

    « La mer s’est donc retirée et se retire encore tous les jours — car dans un voyage au bord de la mer, mon vieux pilote me montra un gros arbre qui était à un kilomètre dans les terres en me disant : « Voyez-vous cet arbre là-bas ? Quand j’étais jeune, j’y ai souvent attaché ma barque ; et aujourd’hui, voyez comme il est loin. »

    « Voici la cause qui fait croître si vite la terre au bord de la mer. Pendant trois mois de l’année, quatre grands fleuves charrient, jusqu’à la mer, une quantité incalculable de limon ; or, ce limon ne se mêle pas à l’eau salée, comme je m’en suis convaincu par mes propres yeux, mais il est ballotté et refoulé par le flux et reflux sur les rivages où il se dépose peu à peu, et à peine s’est-il élevé au niveau de l’eau qu’il y croît des plantes et des arbres vigoureux qui le consolident par de nombreuses racines. J’ai tout lieu de croire que la plaine de Siam s’est accrue de vingt-cinq lieues en largeur sur soixante en longueur, ce qui ferait une étendue de quinze cents lieues carrées. » (Pallegoix, t. I, ch. iv.)