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Dès que ma hutte fut achevée, ce qui ne fut ni long ni coûteux, nous y établîmes trois hamacs, nous nous mîmes en devoir de nous préparer un terrain de chasse pour les insectes, qui ne sont jamais plus abondants qu’à la fin et au commencement de la saison des pluies, et nous abattîmes une quantité d’arbres d’une grosseur raisonnable. Le métier de bûcheron est dur et pénible sous cette latitude, où le soleil, pompant l’humidité de la terre et des marécages dont nous sommes environnés, nous enve-

    pied d’épaisseur, dans laquelle s’étaient formés quantité de beaux cristaux transparents de sulfate de chaux. (Disons en passant que les Siamois recueillent ces cristaux, les calcinent, et on obtiennent une poudre extrêmement fine et très-blanche, dont les comédiens et les comédiennes se frottent les bras et la figure.) Dans cette couche de tourbe on trouve, en outre, des troncs et des branches d’un arbre dont le bois est rouge, mais si fragile qu’il se rompt sans effort. D’où je conclus que c’était là le niveau primitif du terrain, qui se sera élevé peu à peu par le sédiment qu’y déposent les eaux chaque année, à l’époque de l’inondation, aussi bien que par le détritus des feuilles et des plantes.

    « Il est dit dans les Annales de Siam que, sous le règne de Phra-Ruang (environ l’an 650 de notre ère), les jonques chinoises pouvaient remonter le Mé-Nam jusqu’à Sangkolôk, qui est aujourd’hui à plus de cent vingt lieues de la mer ; ce qui fait supposer que la plaine de Siam a éprouvé un changement considérable dans ce laps de douze cents ans, puisqu’à présent les jonques ne remontent pas au-delà de Ajuthia, distante de la mer de trente lieues seulement.

    « En creusant des canaux, on a trouvé, dans plusieurs endroits, des jonques ensevelies dans la terre à quatre ou cinq mètres de profondeur. Plusieurs personnes m’ont rapporté que quand le roi fit creuser les puits pour les pèlerins, sur la route de Phrâ-Bat, à une profondeur de huit mètres, on trouva un gros câble d’ancre en rotin.

    « À l’extrémité nord de Bangkok, à onze lieues de la mer, je vis des Chinois creusant un étang ne rapporter du fond que des coquillages concassés, ce qui me confirma dans