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le rendait si joyeux, c’était la faculté que l’ouverture et la réparation des routes allait lui donner d’imposer des corvées à ses administrés. Il m’avoua humblement, pleurant d’un œil et riant de l’autre, qu’il en imposerait beaucoup plus que la chose ne l’exigeait absolument, et que tous ceux qui voudraient s’en racheter le trouveraient disposé à traiter avec eux au prix modique de seize ticaux par tête, et que cette petite négociation, menée à bonne fin, le mettrait à l’abri du besoin dans sa vieillesse.

« C’est, ajouta-t-il en terminant, ce que mes collègues, grands et petits, appellent proverbialement tham na bon limg-phraï (faire sa moisson sur le dos du peuple). N’avez-vous pas, ô vénérable étranger ! quelque expression équivalente dans la langue de votre patrie ? »

Tous les habitants du village, une cinquantaine a peu près, sont venus me présenter leurs enfants et me demander des remèdes, les uns contre la fièvre, d’autres contre la dyssenterie ou les rhumatismes, etc. Je n’ai pas entendu dire qu’il y eût des lépreux ici comme à Khao-Tchioulaü ; mais les enfants sont d’une saleté révoltante ; ils sont littéralement couverts d’une couche de crasse qui les fait ressembler à des négrillons ; la plupart de ces pauvres petits êtres tremblent de la fièvre. Le lieu que j’habite est dans une vallée formée par une ceinture de montagnes venant de Nophabury et de Phrâbat, contre-forts de la chaîne qui, contournant le bassin du Ménam, se relie à celles de la péninsule et de la Birmanie. Le mont Khoc s’étend à un kilomètre de la rive gauche de la rivière, autour d’un espace demi-circu-