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tant de fatigues, tourmentés qu’ils étaient par une chaleur suffocante et par des légions de moustiques.

À la pointe du jour, après une centaine de coups de rame et un nouveau coude de la rivière franchi, nous nous trouvons en face de Khao-Khoc. Ce lieu a été bien inutilement choisi, selon mon humble avis, par les rois de Siam pour y élever une place forte, dans l’intention de s’y retirer si jamais les blancs, envahissant le sud, ils étaient obligés d’abandonner Bangkok à leur dévorante ambition. Pauvre calcul de la peur, car la possession de Bangkok entraînerait celle de tout le Delta, et personne ne songerait à venir inquiéter la royauté fugitive dans une pareille solitude.

À deux ou trois milles au-dessous de Khao-Khoc, je vis une espèce de débarcadère, et une habitation de médiocre apparence portant le nom prétentieux de palais ; elle n’est composée que de feuilles et de bambous : c’est Prabat-Moi. Quant à Khao-Khoc, quoique depuis trois ans le deuxième roi y soit venu très-souvent pendant la bonne saison, non-seulement il n’y a point de débarcadère, mais pas même un escalier creusé dans la terre pour faciliter l’escalade de la rive qui est haute et escarpée.

Aussitôt arrivé, je mis pied à terre et me disposai à faire un choix parmi les nombreuses habitations vacantes de mandarins que l’on m’avait dit se trouver sur les bords de la rivière ; mais j’eus beau battre les broussailles et les taillis avec mes hommes, enfonçant jusqu’aux genoux dans un sol détrempé et fangeux, je ne pus découvrir que sept ou huit chaumières de Laotiens qui forment le noyau de la population de la citadelle future, cultivateurs pai-