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le poids de ses vêtements et de ses bijoux l’emportant de beaucoup sur celui de son pauvre petit corps.

Ne devant cacher ni le bien ni le mal là où nous les trouvons existants, séparément ou réunis, nous répéterons qu’un tiers au moins de cette population vit dans l’esclavage. C’est donc un total de quinze à dix-huit cent mille créatures humaines passées a l’état de marchandises. Elles forment trois catégories : 1o les prisonniers de guerre, captifs distribués aux nobles selon le caprice du roi, et dont la rançon peut aller en moyenne à quarante-huit ticaux (à peu près cent cinquante francs) ; 2o les esclaves rachetables, ou individus privés de leur liberté pour cause de dettes, et dont les services acquis à leurs créanciers sont supposés payer les intérêts de la somme due ; 3o enfin les esclaves non susceptibles de rachat. Cette dernière classe, le caput mortuum de la misère, est entièrement recrutée d’enfants vendus par leurs parents à la suite de procès, de gêne ou de famine, et qu’un contrat écrit met corps et âme à la disposition de l’acquéreur.

Nous trouvons dans Pallegoix (t. I, p. 234) un spécimen d’un contrat de ce genre ; le voici : « Le mercredi, sixième du mois, vingt-cinquième jour de la lune de l’ère 1211, moi, le mari, accompagné de Mme Kol, l’épouse, nous amenons notre fille Ma pour la vendre à M. Luang-si, moyennant quatre-vingts ticaux (deux cent quarante francs), pour qu’il la prenne à son service en place des intérêts dus. Si notre fille Ma vient a s’enfuir, que son maître me prenne et exige que je lui trouve et ramène la jeune Ma. Moi,