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portaient de joie, et jamais je n’éprouvai autant de jouissances que dans ces profondes solitudes, loin du bruit des villes et des intrigues, vivant libre au milieu de cette puissante, grandiose et imposante nature. C’est là, je le répète, que j’ai connu les plus pures et les plus douces jouissances de la vie ; les naturalistes ardents et passionnés seuls peut-être le comprendront ; comme moi, ils comptent pour peu les fatigues, les nuits de bivac dans les bois, les privations de toute espèce supportées en vue des progrès de leur science favorite. Et puis, n’ai-je pas contemplé des ruines gigantesques, peut-être uniques dans le monde ; n’ai-je pas été favorisé de petites découvertes en archéologie, entomologie et conchyliologie qui pourront sans doute être utiles à la science et aux arts, justifier l’appui et les encouragements des sociétés savantes de l’Angleterre qui m’ont patronné, et me faire connaître de ma terre natale qui a dédaigné mes services ?

Une autre grande joie, après ces quinze mois de voyage et de privation absolue de nouvelles d’Europe, fut, en arrivant à Bangkok, de trouver un énorme paquet de lettres m’apprenant une infinité de choses intéressantes de la famille et de la patrie éloignées. Qu’il est doux, après tant de mois de solitude et d’absence de nouvelles, de relire les lignes tracées par les mains bien-aimées d’un vieux père, d’une femme, d’un frère ! Ces jouissances, je les compte aussi parmi les plus douces et les plus pures de la vie.

Nous nous arrêtâmes au centre de la ville, à l’entrée d’un canal d’où la vue s’étend sur la partie