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est tenu de faire sentinelle près de cette maison.

Eni ne fait la guerre à personne, et personne ne la lui fait, car toutes les tribus du bassin du grand fleuve, depuis les forêts des Stiêngs jusqu’aux frontières de la Chine, le respectent et le vénèrent ; aussi ses gens ne portent aucune arme quand ils vont en tournée pour recueillir les offrandes dans tous les villages à la ronde. Donne qui veut : piochette, cire, serpe, langouti ; les quêteurs acceptent tout.

C’est à cette ombre de souverain, spirituel plus que temporel, qu’aurait échu la succession des anciens rois de Kmer, des fondateurs d’Ongkor !!!…

En traçant à la hâte ces quelques lignes sur le Cambodge au retour d’une longue chasse, à la lueur blafarde d’une torche, entre la peau d’un singe fraîchement écorché et une boîte d’insectes à classer et à emballer, assis sur ma natte ou ma peau de tigre, dévoré des moustiques et souvent des sangsues, mon seul but, bien loin de vouloir imposer telle ou telle opinion, a été simplement de dévoiler l’existence des monuments les plus imposants, les plus grandioses et du goût le plus irréprochable que nous offre peut-être le monde ancien, d’en déblayer un peu les décombres, afin de montrer en bloc ce qu’ils sont, et de réunir tous les lambeaux de traditions que nous avons pu rassembler sur cette contrée et les petits pays voisins, dans l’espoir que ces données serviront de jalons à de nouveaux explorateurs, qui, doués de plus de talent et mieux secondés de leur gouvernement et des autorités siamoises, récolteront abondamment là où il ne nous a été donné que de défricher.