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était conduit à les supposer un peu postérieurs à l’époque de la séparation qui s’opéra dans les grands cultes de l’Inde, plusieurs siècles avant notre ère, et qui força à l’expatriation des milliers, des millions peut-être d’individus.

Tout ce que l’on peut dire du peuple actuel de la plaine du Cambodge, peuple cultivateur, qui montre encore un certain goût pour les arts dans les ornements de sculpture dont il orne les barques des riches et des puissants, c’est que, tant au physique qu’au moral, il n’a rien de caractéristique qu’un orgueil démesuré.

Il n’en est pas de même des sauvages de l’est que les Cambodgiens appellent encore leurs frères aînés ; nous avons séjourné parmi eux pendant près de quatre mois, et, au sortir du Cambodge, il nous semblait avoir passé dans un pays comparativement civilisé. Une grande douceur, une certaine politesse, des convenances et même un goût de sociabilité, toutes choses qui pourraient bien être les germes perpétués d’une civilisation éteinte, nous ont frappé dans ces pauvres enfants de la nature, perdus depuis des siècles au milieu de leurs profondes forêts qu’ils croient être la plus grande partie du monde, et qu’ils chérissent au point que rien ne peut les en détacher.

En visitant les ruines d’Ongkor, nous avons été singulièrement étonnés de retrouver dans la plupart des bas-reliefs de leurs monuments des traits frappants de ressemblance avec le type du Cambodgien et celui de ces sauvages. Régularité du visage, longue barbe, étroit langouti, et, chose caractéristique, à peu près mêmes armes et mêmes instruments de musique.