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barie dans lequel est plongé ce qui reste des descendants du grand peuple, auteur de ces constructions.

Malheureusement le temps qui ne respecte rien, les invasions de barbares venus de tous les points de l’horizon, et dernièrement les Siamois modernes, peut-être aussi les tremblements de terre, ont bouleversé la plus grande partie de ces somptueux monuments. L’œuvre de destruction continue même pour ceux qui s’élèvent encore, imposants et majestueux, à côté d’amas de décombres, et c’est en vain que l’on cherche d’autres souvenirs historiques de tous les rois qui ont dû se succéder sur le trône de l’auguste royaume Maha-Nokhor-Khmer, que celui d’un roi lépreux auquel quelques-uns attribuent la fondation du grand temple. Tout le reste est totalement oublié ; les quelques inscriptions qui couvrent certaines parois sont indéchiffrables pour les lettrés du pays, et lorsque l’on interroge les indigènes sur les fondateurs d’Ongkor-Wat, ils font invariablement une de ces quatre réponses : « C’est l’ouvrage du roi des anges, Pra-Enn, » ou bien : « C’est l’œuvre des géants, » ou encore : « On doit ces édifices au fameux roi lépreux, » ou enfin : « Ils se sont créés d’eux-mêmes. »

Un travail de géants ! L’expression certainement serait juste si on l’employait au figuré pour parler de ces travaux prodigieux, dont la vue seule peut donner une juste idée, et dans lesquels la patience, la force et le génie de l’homme semblent s’être surpassés, afin de confondre l’imagination et laisser des preuves de leur puissance aux générations futures.

Chose étrange, cependant, aucun de ces monu-