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repoussante. À huit ou dix kilomètres plus haut, nous passâmes devant une autre ville fortifiée nommée Paklat, et peuplée d’environ sept mille habitants, presque tous originaires du Pégou. Deux citadelles resserrent ici le fleuve, et de l’une à l’autre on peut tendre une sorte de chaîne formée de câbles en fil de fer et de poutres armées d’éperons. Cet obstacle, formidable peut-être pour une jonque chinoise ou annamite, ne soutiendrait pas un seul instant le choc d’une de nos chaloupes canonnières cuirassées ; et la vue de cet impuissant engin de guerre m’intéressa bien moins que celle d’un hameau voisin, où l’industrie locale a établi une raffinerie de sucre.

On ne peut refuser au fleuve le beau nom qu’il porte — Ménam — Mère des eaux, car sa largeur, aussi bien que sa profondeur, permettent aux navires du plus fort tonnage d’effleurer, ses rives sans danger ; les vergues s’accrochent aux branches ; les oiseaux folâtrent en chantant au-dessus des agrès, et les insectes, en quantité prodigieuse, bourdonnent nuit et jour sur le pont ; le paysage est, en outre, des plus pittoresques et des plus beaux. De distance en distance, des maisons s’élèvent sur les deux rives, et dans le lointain on aperçoit de nombreux villages. Nous rencontrons un grand nombre de canots, et c’est avec une dextérité incroyable qu’hommes, femmes ou enfants dirigent ces légères embarcations.

Déjà lors de ma visite au gouverneur de Paknam, j’avais pu remarquer l’étroite familiarité qui existe en ce pays entre l’enfance et l’humide élément. J’ai vu les enfants de ce fonctionnaire, de vrais marmots,