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de plusieurs cours d’eau, dont l’un porte le nom de Battambâng, le même spectacle se continue sur une scène plus resserrée ; partout c’est une animation extraordinaire de cette gent volatile et pêcheuse.

Et nous, à son exemple, nous cherchons à mettre à profit les heures de notre navigation.

Le soleil est sur son déclin, vite il faut écorcher oiseaux et animaux, que la chaleur peut gâter en très-peu de temps ; nous serrons nos rames ; les domestiques allument le feu pour cuire le riz, et, tout en nous laissant bercer par la vague et fumant quelques bons bouris, nous écoutons mon petit Chinois Phraï nous racontant quelque histoire dans son langage mêlé de français, de siamois et de chinois.

À la pointe du jour, tandis que les premiers rayons de lumière et le léger souffle d’une fraîche brise emportent nos ennemis acharnés les moustiques, de nouveau les avirons se mettent en mouvement. Arrivés à un endroit où la rivière se divise, nous entrons dans un étroit ruisseau qui vient du sud-est et qui, tortueux comme un serpent, coule avec la rapidité d’un torrent. Ce cours d’eau, sur lequel s’élève Battambâng, n’a parfois que douze à quinze mètres de largeur ; les branches des arbres plongent dans notre bateau, et d’énormes singes accrochés aux rameaux discontinuent leurs jeux pour nous regarder passer. De temps à autre, quelque alligator, éveillé en sursaut par le bruit des rames ou les chants de nos rameurs, s’élance de la rive, où il dormait sur le sol humide, et disparait sous l’eau.