Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

séparer, il me demanda quelque autre chose, nous donnant à comprendre que nous aurions dû débuter par des cadeaux. Je lui fis présent d’un habillement européen complet, d’une poudrière, d’un couteau de chasse, de poudre et de quelques autres petits objets ; alors, pour se montrer reconnaissant, il me donna une trompe de cornac en ivoire, nous offrit deux éléphants pour continuer notre route et expédia nos gens avec une excellente lettre pour les chefs de son district.

Nous reprîmes notre route le lendemain, l’abbé sur un éléphant, lisant tranquillement son bréviaire, et moi sur un autre, jouissant de la beauté des paysages parcourus. C’est ainsi que nous traversâmes les belles plaines occupées par les pauvres Thiâmes lors de mon premier passage ; mais, au lieu de riches moissons, je fus étonné de n’y plus trouver que de grandes herbes : leurs villages étaient abandonnés, les maisons et les clôtures tombaient en ruine. Voici ce qui était arrivé : le mandarin de Pemptiélan, exécutant ou dépassant les ordres de son maître le roi du Cambodge, tenait ces malheureux dans un esclavage et sous une oppression tels qu’ils tentèrent de soulever leur joug. Privés de leurs instruments de pêche et de culture, sans argent, sans vivres, ils étaient abandonnés à une misère si affreuse que beaucoup d’entre eux moururent de faim.

Ces malheureux, au nombre de plusieurs milliers et sous la conduite d’un de leurs chefs dont la tête était mise à prix, et qui était revenu secrètement de l’Annam, se levèrent en masse. Ceux des environs