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nombre d’hommes présents, et s’espacent de façon à ne pas se gêner mutuellement dans leurs mouvements. Cela terminé, le chef s’assure si la fuite est impossible à l’animal ; quelques-uns des plus braves pénètrent dans l’intérieur du cercle, et, sous la protection d’autres individus armés de piques, coupent les broussailles autour d’eux.

Le tigre, pressé de tous côtés, se retire lâchement dans les broussailles encore intactes. Roulant ses yeux sanglants autour de lui, et léchant ses pattes d’une manière convulsive, comme pour se préparer à la lutte, il pousse un effroyable hurlement et prend son élan ; mais aussitôt les hallebardes sont relevées, et l’animal, percé de coups, tombe sur le terrain, où on l’achève. Parfois, cependant, des accidents ont lieu dans ces sortes de chasses, et plusieurs hommes sont mis hors de combat ; mais les armes à feu étant prohibées dans le pays, l’Annamite est forcé d’avoir recours à sa pique, car la nécessité l’oblige à poursuivre partout « le grand-père », qui ne lui laisse pas de repos, force les clôtures et enlève très-souvent des animaux et même des hommes, non-seulement sur les chemins et à la porte des maisons, mais jusque dans l’intérieur des habitations.

Les Stiêngs aiment beaucoup la parure, et leurs ornements de prédilection sont les fausses perles de couleur brillante, dont ils font des bracelets ; la verroterie et le fil de laiton sont pour eux une monnaie courante. Un buffle ou un bœuf est estimé six brassées de gros fil de laiton ; un porc est presque aussi cher ; mais pour une coudée d’un numéro fin ou