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ne réclame pas le champ. Ils sont infatigables à la course, et ils glissent dans les bois les plus épais avec la vélocité du cerf. Ils sont vifs, légers, et supportent la fatigue sans paraître la ressentir ; les femmes paraissent aussi agiles et aussi robustes que les hommes. Leurs arbalètes ont une grande force, et ils s’en servent très-adroitement, mais rarement à une distance de plus de cinquante pas. Le poison dont ils enduisent leurs flèches pour la chasse des gros animaux est d’une grande activité lorsqu’il est nouvellement employé. Si le dard atteint l’animal, éléphant, rhinocéros ou tigre, de manière à pénétrer tant soit peu dans les chairs et à communiquer le poison au sang, on est presque sûr de trouver le cadavre à quelques centaines de mètres de l’endroit où il a été frappé.

La manière de chasser le tigre est bien différente chez les Annamites qui confinent au territoire des Stiêngs. Là, dès qu’un tigre a enlevé quelqu’un dans une localité, tous les hommes accourent des environs au son du tam-tam pour se mettre aux ordres d’un chasseur renommé et traquer l’animal.

Comme d’ordinaire, le tigre se couche toujours près de l’endroit où il a laissé les restes de son repas ; lorsqu’on trouve ceux-ci, on est presque sûr que « le seigneur » n’est pas loin. Ce titre ou celui de « grand-père » est toujours employé pour désigner le carnassier qui a l’ouïe fine et prendrait en mauvaise part une qualification moins respectueuse.

Lorsque l’on a donc découvert le gîte du tigre, tous les chasseurs, qui s’avançaient en groupe, se forment en cercle aussi grand que le comporte le