Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/205

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

au côté gauche une poignée de grains de riz, en glisse une soixantaine au moins dans sa main qui les déverse dans les trous avec rapidité et en même temps avec une telle adresse que rarement il en tombe à côté.

En quelques heures la besogne se trouve achevée, car il n’est pas plus besoin de herse que de charrue. La bonne mère nature enverra avant peu quelques fortes ondées qui, en lavant le terrain, couvriront les graines. Alors, le propriétaire s’établit dans sa case, du haut de laquelle, tout en fumant sa cigarette faite de tabac roulé dans une feuille quelconque, il décoche quelques flèches aux sangliers, aux singes ou aux chevrotains, et s’amuse à tirer de temps en temps une corde de rotin qui met en branle deux bambous placés au milieu du champ ou au bout d’une perche au sommet de sa case, de manière à s’entre-choquer au moindre mouvement, et dont le bruit épouvante les colombes et les perruches, qui, sans cela, mangeraient toute la semence. La moisson se fait à la fin d’octobre.

Généralement deux mois avant les récoltes la misère et la disette se font sentir. Tant qu’il y a quelque chose sous la main, on fait bombance, on trafique, on partage sans jamais songer au lendemain, et quand arrive la famine, on est réduit à manger des serpents, des crapauds, des chauves-souris (ces dernières se prennent en quantité dans le creux des vieux bambous) ; puis on ronge quelques graines de maïs, des pousses de bambous, des tubercules de la forêt et d’autres productions spontanées de la terre.

Tous les animaux domestiques des pays voisins,