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sur pilotis, il passe toute la saison des pluies, époque où le mauvais temps ainsi que les sangsues, qui, comme dans les forêts de Siam, pullulent ici d’une manière prodigieuse, l’empêchent de se livrer à la chasse et à la pêche.

Leur manière de préparer un champ de riz diffère beaucoup de celle que nos cultivateurs emploient pour un champ de blé ou d’avoine : aussitôt que les premières pluies commencent à tomber, le sauvage choisit un emplacement et un terrain convenables et de grandeur proportionnée à ses besoins ; puis il s’occupe du défrichement. Ce serait une rude besogne pour un Européen ; cependant le sauvage ne s’y prend pas à l’avance. Avec sa hachette emmanchée à une canne de bambou, en quelques jours il a abattu un fourré de bambous sur un espace de cent à cent cinquante mètres carrés ; s’il s’y trouve d’autres arbres trop gros pour être coupés, il les laisse en place, et, au bout de quelques jours, lorsque ce bois est à peu près sec, il y met le feu : le champ est ouvert et fumé tout à la fois. Quant aux racines, on s’en occupe peu, et de labourage il n’en est pas question ; sur ce terrain vierge il ne s’agit que d’ensemencer. Notre homme prend deux longs bambous qu’il couche en travers de son champ en guise de cordeau ; puis, un bâton de chaque main, il suit cette ligne en frappant de gauche et de droite, pour faire de distance en distance des trous d’un pouce à un pouce et demi de profondeur. La tâche de l’homme est alors achevée, et c’est à la femme à faire le reste. À demi courbée, elle suit l’espèce de sillon tracé par son mari, prend dans un panier qu’elle porte