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pents, sont les ennemis que nous redoutons le plus et contre lesquels il faut prendre le plus de précautions, de même que d’autre part les moustiques et les sangsues sont les plus incommodes et les plus acharnés. Pendant la saison des pluies notamment, on ne peut être trop sur ses gardes ; autrement, en se couchant comme en se levant, on risquerait de mettre le pied ou la main sur quelque serpent venimeux des plus dangereux. J’en ai tué plusieurs dans la maison, soit d’un coup de fusil, soit d’un coup de hache. En écrivant ces lignes, je suis obligé de faire le guet, car je m’attends à en voir reparaître un sur lequel j’ai marché ce soir, mais qui s’est enfui sans me mordre. De temps en temps je m’interromps aussi pour écouter le rugissement d’un tigre qui rôde autour de notre demeure, guettant les porcs à travers leur clôture de planches et de bambous, tandis que d’un autre côté j’entends le bruit d’un rhinocéros brisant les bambous qui s’opposent a son passage, pour venir dévorer les ronces qui entourent notre jardin.

Les sauvages Stiêngs qui habitent ce pays sortent probablement de la même souche que les tribus des plateaux et des montagnes qui séparent les royaumes de Siam et de Cambodge de celui d’Annam depuis le 11° de latitude nord jusqu’au-delà du 16°, entre les 104 et 116° 20' de longitude orientale du méridien de Paris. Ils forment autant de communautés qu’il y a de villages, et semblent être d’une race bien distincte de tous les peuples qui les entourent. Quant à moi, je suis porté à les croire les aborigènes ou les premiers habitants du pays et à