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rés. Nous étions entre, deux éminences dont toute la base plonge dans un profond marécage ; sur la hauteur opposée, j’aperçus deux longues maisons de bambous recouvertes de chaume et entourées d’un jardin ; puis, se dessinant sur le ciel, au-dessus des bambous du voisinage, la modeste croix plantée depuis deux ans au milieu de ces effrayantes solitudes par deux nobles Français. C’était la Mission de Brelum.

Notre apparition fut saluée par plusieurs décharges de mousqueterie ; nous y répondîmes de notre mieux, tandis qu’au milieu de ce vacarme de feux roulants, répercutés par l’écho de la forêt et propres à faire rentrer au fond de leurs repaires tous les monstres du voisinage, le pauvre père Guilloux, les jambes couvertes de plaies envenimées, résultat des courses où l’entraînait son zèle et qui l’avaient retenu sur le grabat pendant plus de six mois, s’avançait en chancelant à ma rencontre sur les troncs d’arbres jetés en guise de pont au travers du marais.

Salut à toi, noble enfant de notre chère et belle patrie ! à toi, qui braves la misère, les privations, les fatigues et les souffrances, et même la mort, pour apporter à ces sauvages les bienfaits de la religion et de la civilisation ! Que Dieu te récompense de tes nobles et pénibles travaux, car les hommes sont impuissants à le faire, et, du reste, ta récompense n’est pas de ce monde !

La case de l’oncle Apaït était plus élégante que l’humble presbytère de Brelum au toit d’herbes sèches, aux parois de roseaux, au parquet de terre nue ; mais j’y fus reçu en ami.