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lation flottante au moins du double. Celle-ci est composée de gens venus du Cambodge et surtout de Cochinchine, et vivant dans leurs bateaux. C’était l’époque où beaucoup de pêcheurs, de retour du grand lac, s’arrêtent à Penom-Penh pour y vendre une partie de leur poisson, et où une foule d’autres petits commerçants y sont attirés pour acheter du coton, dont la récolte se fait avant les pluies. Après avoir parcouru la ville, longue et sale, j’arrivai sur une éminence au sommet de laquelle on a bâti une pagode sans beauté ni intérêt, mais d’où la vue s’étend sur une grande partie du pays.

D’un côté se déroule, comme deux longs et larges rubans, le Mékong, et son affluent, au milieu d’une immense plaine boisée ; de l’autre, c’est la plaine encore, et encore des forêts, mais bordées au sud et au nord-ouest par de petites chaînes de montagnes.

Quoique Penom-Penh serve souvent de passage aux missionnaires, ma présence ne manqua pas d’exciter la curiosité du peuple. La guerre de Cochinchine était le sujet de toutes les conversations et la préoccupation de tous ici. Une quantité de malheureux pêcheurs chrétiens, qui revenaient du grand lac, n’osaient rentrer dans leurs foyers, parce qu’ils savaient qu’à chaque douane on les obligerait à fouler la croix aux pieds, et ils attendaient là des nouvelles de la paix que l’on était, disait-on, en train de conclure. D’un autre côté, ce que rapportaient les Chinois et, les Annamites qui avaient vu la prise de la ville de Saigon aurait peut-être peu flatté l’orgueil d’un Français. Je n’avais pas vu les glorieux bulletins de l’amiral ; j’avais la douleur d’entendre