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second roi, est l’héritier présomptif de la couronne. Son père n’a dû son trône qu’au roi de Siam, qui l’a retenu longtemps captif dans ses États, et qui, pour garant de sa fidélité, a toujours gardé un ou deux de ses fils en otage. C’est ainsi que ce jeune roi a passé plusieurs années à Bangkok. Sans doute on lui apprit là l’art de régner, et on ne l’a laissé retourner dans son royaume qu’après s’être assuré qu’on aurait en lui un tributaire soumis et obéissant.

Son jeune frère vint aussi me faire une visite, mais pendant la nuit, afin que ses parents l’ignorassent, car il désirait avoir quelque cadeau ; très-enfant pour son âge, il manifestait le désir d’avoir tout ce qui lui frappait la vue. Il est au reste doux, aimable, poli, et a l’air distingué.

Le lendemain, à dix heures du matin, le roi me manda auprès de lui. Je le trouvai dans la salle de réception, assis sur son divan et distribuant des ordres à ses pages pour régler l’ordre de marche qu’il voulait qu’on observât pour l’aller et le retour. Le roi monta dans une jolie chaise à porteurs, magnifiquement peinte et sculptée, avec de beaux pommeaux d’ivoire. Il s’y assit nonchalamment, une jambe dessus, l’autre pendante, le coude appuyé sur des coussins de maroquin. Il avait la tête et les pieds nus, les cheveux coupés à la mode siamoise, et pour vêtement un superbe langouti de soie jaune entouré d’une large ceinture de pareille étoffe, mais plus claire. Le cortège se mit en marche : quatre pages portaient le palanquin sur leurs épaules ; un autre soutenait une immense parasol rouge dont le manche doré avait près de quatre mètres de long ; le prince