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malgré une pluie battante. Arrivés au port à sept heures du soir, nous y fûmes retenus jusqu’au surlendemain par un vent contraire et trop violent pour nous permettre de le quitter sans danger.

Deux jours plus tard nous arrivâmes à Ko-Khut, où de nouveau des pluies torrentielles et un vent contraire nous retinrent à une centaine de mètres du rivage, dans une anse qui était loin d’offrir beaucoup de sécurité à notre fragile embarcation.

Notre position n’était pas agréable ; notre chétive barque, rudement secouée par les flots en fureur, menaçait à chaque instant d’être jetée à la côte contre les rochers. Aux trois quarts remplie par notre bagage auquel nous avions donné la meilleure place pour le préserver de l’eau de mer ainsi que de la pluie, elle contenait encore cinq hommes serrés les uns contre les autres à l’avant, et n’ayant pour abri que quelques feuilles de palmier cousues ensemble à travers lesquelles l’eau filtrait et nous tenait constamment mouillés. La pluie continuait à tomber avec une telle abondance que nous ne pouvions entretenir de feu pour cuire notre riz. Pendant quatre jours, il nous fallut rester à demi couchés dans notre barque, les membres fatigués de la position à laquelle nous condamnaient le défaut d’espace et nos effets et notre linge trempés et collés sur notre corps. Enfin, le cinquième jour, j’eus le plaisir de voir le ciel s’éclaircir et le vent changer. Vers les deux heures de l’après-midi, prévoyant une belle nuit, et ayant remonté, par une bonne dose d’arack, le moral de mes hommes qui commençaient à faiblir, nous levâmes l’ancre et nous nous éloignâmes de Ko-Khut poussés