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cellules dans chacune desquelles est un certain nombre de noyaux plus gros qu’une datte et entourés d’une sorte de crème blanche, quelquefois jaunâtre, d’un goût exquis. Quel bizarre caprice de la nature ! de même qu’il en a coûté plus que de la répugnance pour y goûter, on est bien puni si l’on en mange souvent ou si l’on s’oublie une seule fois à en prendre plus que l’extrême modération ne l’autorise, car c’est un fruit tellement échauffant, qu’on se trouve couvert de rougeurs et de boutons le lendemain d’un excès de dourion, comme si l’on avait la rougeole. Ce fruit cueilli n’est jamais bon, car il tombe de lui-même lorsqu’il a atteint son degré parfait de maturité ; on doit le manger de suite, dès qu’on l’a ouvert, autrement en peu de temps il est gâté ; dans son écorce, on peut le conserver près de trois jours. À Bangkok, un seul de ces fruits coûte un shellung ; à Chantaboun, on peut en avoir neuf pour le même prix.

J’étais sur le point d’écrire, dans mon journal, qu’ici il y a peu de danger à courir les bois, et que souvent nous chassons aux papillons et aux insectes sans prendre d’autres armes qu’une hache et un couteau de chasse, et que Niou s’est aguerri au point d’aller de nuit avec Phraï attendre le cerf à l’affût, lorsqu’une panthère s’est précipitée sur un chien couché à deux pas de ma porte. La pauvre bête a poussé un cri de douleur vraiment déchirant qui nous fit tous sortir ainsi que les Chinois mes voisins, chacun une torche à la main. Ceux-ci se trouvèrent face à face avec la panthère, et à leur tour ils se mirent tous à jeter les hauts cris ; mais il