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une empreinte d’un animal inconnu de la surface d’un large bloc de granit enfoui au fond d’un torrent de la montagne ; au mois de janvier, un Chinois me demandait un prix si élevé pour ce travail que je pensais me contenter d’une empreinte de cire ; mais Phraï m’ayant proposé de se charger de ce travail, nous l’avons entrepris, et nous l’avons mené à bonne fin. Beaucoup de Siamois eussent préféré que je ne touchasse pas à leur pierre, de même que par superstition ils sont scandalisés de me voir tuer des gibbons blancs, bien que, lorsque l’animal est une fois abattu et dépouillé, comme ce ne sont pas eux qui ont commis ce péché, mortel à leurs yeux, ils soient très-heureux d’obtenir une côtelette ou un bifteck de ma victime, car ils attribuent à la chair de ce singe de grandes vertus médicinales.

La saison des pluies approche ; les orages deviennent de plus en plus fréquents, et le tonnerre gronde parfois avec un fracas épouvantable ; les insectes deviennent aussi plus nombreux ; mais les fourmis qui cherchent à s’abriter pour cette saison envahissent les habitations et deviennent un véritable fléau pour moi et mes collections, sans parler de mes vêtements ; j’ai eu déjà plusieurs livres et cartes presque entièrement mangés dans une seule nuit. Heureusement, les moustiques ont disparu, c’est donc une souffrance de moins ; mais, en revanche, il y a une espèce de petite sangsue, qui, lorsqu’il pleut, quitte les ruisseaux, se répand dans les bois et les rend, sinon impraticables, au moins fort désagréables à traverser ; c’est par douzaines qu’ils faut à tout moment les arracher de l’épiderme ; mais