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opposé. De Kombau, nous longeâmes pendant une heure et demie une charmante vallée unie presque partout comme une pelouse, et riante comme un parc. Elle aboutit à une forêt où, en suivant le bord d’un torrent qui, encaissé entre deux monts et hérissé de blocs de granit, augmente de largeur à mesure que l’on approche de sa source, nous ne tardâmes pas à arriver à la chute. Dans la saison des pluies, ce doit être un spectacle de toute beauté ; une énorme nappe d’eau tombe alors de tous les côtés du haut d’immenses roches perpendiculaires, taillées à pic et décrivant comme un cirque de près de trente mètres de diamètre ; pendant la sécheresse, l’eau de la source seule sort de dessous d’immenses blocs de granit, mais avec une telle abondance qu’elle alimente plusieurs ruisseaux. D’une hauteur de plus de vingt mètres, le torrent, large de deux à sa source, tombe avec fracas et presque d’aplomb sur les rochers, d’où il rejaillit en se détournant pour former une nouvelle chute de trois mètres de hauteur seulement, mais qui se déverse dans un vaste bassin profond de plus de quinze pieds, et qui reflète comme un miroir les rochers et les arbres qui l’entourent. Mes deux domestiques, échauffés par une longue course, se plongèrent dans cette eau si froide, a mon grand étonnement ; et quand je voulus leur exposer le danger qu’ils couraient en agissant ainsi ils me répondirent que c’est quand on a chaud qu’on doit se baigner ; et tous les indigènes font de même.

Un voyageur ne doit ignorer aucun métier ; un jour, je dus me faire tailleur de pierre pour détacher