Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ils me prenaient pour un grand médecin. Hélas ! mes prétentions ne sont pas si élevées ; cependant je les traite d’après le système Raspail, et une petite boite de pommade camphrée ou une fiole d’eau sédative sont peut-être retournées dans quelque musée d’Europe sous la forme d’un insecte ou d’une coquille quelconque, que ces braves gens m’auront rapportée en retour du bien que j’avais l’intention de leur faire.

Il est bien agréable pour moi, après une journée de chasse fatigante, par monts et par vaux et dans l’intérieur des forêts où l’on ne se fraye un chemin que la hache à la main, de me reposer le soir sur le banc de notre bon Chinois, devant sa case ombragée de cocotiers, de bananiers et d’autres beaux arbres. Depuis quatre jours, un vent du nord très-violent et frais, malgré la saison, n’a cessé de souffler, brisant et déracinant une quantité d’arbres au sommet de la montagne. Ce sont ses adieux. Le vent du sud-ouest soufflera dorénavant pendant plusieurs mois.

Aujourd’hui, la soirée m’a paru encore plus belle et plus agréable qu’à l’ordinaire ; les étoiles scintillaient au ciel, et la lune brillait de tout son éclat. J’étais assis à côté d’Apaït, tandis que son fils nous jouait des airs chinois sur sa flûte de bambou. Je songeais à quel degré de prospérité cette province pourrait atteindre, si, déjà une des plus belles et des plus florissantes du pays, elle était sagement et intelligemment gouvernée, ou si quelques Européens venaient y jeter les fondements d’une colonie civilisatrice.

Proximité de la mer, communications faciles et