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Nous avons déjà eu quelques orages, car la saison des pluies s’approche ; la végétation redevient fraîche et la nature animée ; le chant des oiseaux et le bourdonnement des insectes se font entendre partout. Apaït m’a cédé son lit, si toutefois on peut appeler lit quelques lattes d’aréquier posées sur quatre pieux de bambous. J’y ai étendu ma natte, et j’y ferais un long somme, si plusieurs fois pendant la nuit je n’étais éveillé par des armées de fourmis qui me passent sur le corps, s’introduisent sous ma couverture, dans mes vêtements, s’établissent confortablement dans ma barbe et finiraient sans doute par m’entrainer hors de mon lit, si de temps en temps je ne secouais ma couverture. D’autres fois, ce sont des cancrelas ou d’autres vilaines bêtes de la même espèce qui prennent leurs ébats sous le toit, et se laissent maladroitement tomber sur ma figure, en m’inspirait toujours du dégoût et souvent l’appréhension que ce ne soit quelque être plus venimeux ou plus répugnant encore. La chaleur en ce moment est très-supportable ; le thermomètre marque ordinairement quatre-vingts degrés Fahrenheit le matin et quatre-vingt-dix degrés au milieu du jour (vingt-neuf à trente-deux degrés centigrades) ; mais l’eau des ruisseaux est si fraîche, que deux bonnes ablutions par jour, une le matin et une autre le soir, tout en entretenant et fortifiant ma santé, me procurent un bien-être pour plusieurs heures.

Hier soir, le petit Phraï étant allé avec Niou à Chantaboun pour acheter quelques provisions, rapporta pour un demi-fuang de bonbons chinois à son père ; le pauvre vieillard ne se sentait pas de joie, et