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qui passera à sa portée. Une troupe de singes vient-elle à l’apercevoir, ils semblent se concerter, s’approchent peu à peu et commencent leur jeu, tour à tour acteurs et spectateurs. Un des plus agiles ou des plus imprudents arrive de branche en branche jusqu’à une distance respectueuse du crocodile, se suspend par une patte, et avec la dextérité de sa race, s’avance, se retire, tantôt allongeant un coup de patte à son adversaire, tantôt feignant seulement de le frapper. D’autres, amusés du jeu, veulent se mettre de la partie ; mais les autres branches étant trop élevées, ils forment la chaîne en se tenant suspendus les uns aux autres par les pattes ou par la queue ; ils se balancent ainsi, tandis que celui qui se trouve le plus rapproché de l’animal amphibie le tourmente de son mieux. Parfois la terrible mâchoire se referme, mais sans saisir l’audacieux singe : ce sont alors des cris de joie et des gambades ; mais parfois aussi une patte est saisie dans l’étau et le voltigeur entraîné sous les eaux avec la promptitude de l’éclair. Toute la bande imprudente se disperse alors en poussant des cris et des gémissements ; ce qui ne l’empêche pas de recommencer le même jeu quelques jours, peut-être même quelques heures après.