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Siamois, gens superstitieux, n’osent pas non plus y tirer des coups de fusil, dans la crainte d’y attirer les mauvais génies qui les feraient périr.

Pendant le temps que je passai sur la montagne, le supérieur des talapoins redoubla de soins et d’égards pour moi ; il fit transporter mon bagage dans la chambre et étendre ma natte sur les siennes, dont il se privait pour moi. Les talapoins se plaignent beaucoup du froid qu’il fait à Patawi dans la saison des pluies, des torrents qui tombent du sommet de la montagne, et aussi des tigres, qui, chassés de la plaine par l’inondation, se réfugient sur les montagnes, et viennent jusque contre leurs habitations enlever leurs poules et leurs chiens. Toutefois, ce n’est pas seulement en cette saison que ces carnassiers leur rendent visite, car la seconde nuit que nous passâmes en ce lieu, vers dix heures, les chiens poussèrent tout à coup des hurlements plaintifs.

« Un tigre ! » s’écria mon Laotien, couché près de moi.

Je m’éveillai en sursaut, saisis mon fusil, et j’entr’ouvris la porte ; mais la profonde obscurité ne me permit ni de le voir ni de sortir sans m’exposer inutilement ; je me contentai de décharger mon arme en l’air pour effrayer l’animal. Ce n’est que le lendemain que nous nous aperçûmes de l’absence d’un de nos chiens.

Après avoir parcouru cette intéressante localité pendant une semaine, nous revînmes lever l’ancre de notre barque pour regagner Bangkok, où j’avais à mettre en ordre mes collections et à les expédier.

Les lieux qui, deux mois auparavant, étaient re-