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envoyé un Mémoire fait par de Lyonne, secrétaire, où par son ordre les principaux points de son discours étoient marqués. Le chancelier, en s’assujétissant à cette leçon, ne trouva pas qu’il pût soutenir la gloire qu’il avoit acquise toutes les fois qu’il avoit parlé en public : il aima mieux ne rien dire, et s’excusa sur quelque incommodité.

Dans cette conférence, on résolut enfin de passer le tarif, parce que le parlement jugea que, dans les pro- positions qu’on leur fit, l’avantage du peuple n’y seroit pas plus grand. Ils résolurent seulement de le modifier, et ordonnèrent qu’il ne se lèveroit que pour deux ans, au bout desquels le parlement fit défense de ne plus rien lever ; et en même temps défenses à la cour des Aides de s’en mêler. Pour faire recevoir à la Reine la hauteur de leur procédé avec moins de peine, ils adoucirent cette amertume par quelques autres édits qu’ils joignirent au tarif. Avec de l’argent, le cardinal Mazarin fut content ; et la Reine le fut aussi, parce qu’elle évita par cet accommodement la fatigue d’aller au parlement en personne faire passer ces mêmes édits : ce qu’elle eût été forcée de faire si la chose n’eût pris cette voie de douceur.

Il y avoit encore une affaire sur les bras du ministre qui ne lui plaisoit pas, et dont le parlement, malgré lui, avoit pris connoissance. On avoit donné pour juges au maréchal de La Motte le parlement de Grenoble ; et lui, comme duc par son duché de Cardonne, que le feu Roi lui avoit donné sur ses conquêtes en Espagne, et comme maréchal de France né dans le ressort de Paris, il prétendoit que le parlement de Paris le devoit juger, et refusoit de répondre devant d’autres juges. Le parlement, sur sa requête, avoit ordonné qu’il leur seroit amené ; et défenses furent faites à tous autres