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les paysans elle était prise, au retour des fêtes, d’un accès de piété ponctuelle et machinale.

Les cloches se taisaient. Aux heures des offices on entendait les petites voix grêles des enfants traînant par les rues. Ils agitaient des cliquettes de bois blanc dont les sons vibraient, comme un chant de sauterelles dans l’épaisseur des blés :

— Voilà le premier. Mettez vos beaux souliers.

— Voilà le second. Mettez vos beaux jupons.

Par les soirs, leur mélopée lente se perdait dans les dernières maisons, à l’extrémité du village.

Le samedi saint :

C’était un clair matin d’avril, quand l’air est encore froid. De grands nuages passant sur le soleil, des ombres couraient sur les bois dépouillés et des averses tombaient, dures et cinglantes ; des volées de grésil tourbillonnaient, s’amoncelant sous les pruniers frileux, parmi les terres des enclos fraîchement labourés.

Marthe descendit au jardin.

Elle allait le long des vieux murs, regardant les trous où croulait le crépi, où se promenaient des cloportes. Dans les fissures des pierres rongées de mousse, elle retrouvait des parcelles de son être ancien, des souvenirs qui germaient nombreux, parmi les tiges flétries des graminées.

C’était ainsi chaque année, au printemps ! On eût dit que l’universelle éclosion faisait pousser en elle des semences enfouies.

Par les brèches du mur, elle voyait la campagne