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pattes égratignant le plancher, avec un petit bruit sec.

Elle restait ainsi immobile, jusqu’au moment où les bruits, les contours des objets sombraient dans la mélancolie du soir.

Parfois sentant la tête lui tourner, étouffant dans sa longue claustration, elle allait faire un tour dans le jardin.

Il était lamentable sous la pluie qui pénétrait de part en part les massifs de coudrier, s’écrasait sur le sol des plates-bandes, où pourrissaient des trognons de choux et des semenceaux de salade. Les poiriers taillés en quenouille et les pommiers rongés de chancres avaient l’air de grelotter sous la rafale. Quelques feuilles mortes restaient aux branches, bronzées par l’hiver. Et les ruches, soigneusement enveloppées de paille, ne faisaient plus entendre cette rumeur confuse de travail, ce bourdonnement infatigable, qui était la musique des jours d’été.

Puis elle remontait dans sa chambre, où elle s’enfermait, n’ayant d’autre spectacle sous les yeux que la rue monotone, les flaques d’eau jaunâtre où le crépitement des averses soulevait des globules, que le vent chassait devant lui.

Les grands événements de la journée étaient le passage du facteur. Il allait de porte en porte, sa canne de cornouiller sur le bras, son sac de cuir bourré de papiers sur le ventre, et il déposait chez les gens les lettres, les papiers qui apportent la joie ou la tristesse. Mais Marthe n’attendait rien, et elle regardait le dos rond de l’homme s’effacer sous la pluie, en songeant qu’un seul mot venu de Pierre lui aurait rendu la vie.

Parfois aussi passait un couple de camps volants,