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Sans qu’il fît exprès, sa conversation revenait toujours aux bois. Le soir il disait à Marthe :

— Fillette, je me lèverai demain de bon matin. J’ai vu dans une coupe des baliveaux qu’il faut marquer.

Ou bien il lui apprenait que la laie du Fond-de-Tambour, un vieux sanglier qu’on n’arrivait pas à cerner dans sa bauge, se promenait avec quatre marcassins qu’elle venait de mettre bas…

Une tristesse pénétrante enveloppait le logis, les chambres frottées au sable et lavées à grande eau, tous les samedis. Toute joie semblait disparue avec le rire de Marthe, qui ne sonnait plus.

Elle descendait dans la cuisine, s’installait au coin de la cheminée, occupant tout un pan du mur, pareille à un monument. Inerte, elle s’absorbait dans sa rêverie, où flottaient des lambeaux de souvenirs. Les jours étaient gris : un peu de lumière filtrait par la fenêtre étroite, dont le cintre était surbaissé à l’ancienne mode. Les vieux meubles, assoupis dans la pénombre douce, profilaient leurs courbes arrondies, leurs attitudes affaissées, semblaient envahis par une pesanteur de sommeil. Elle restait des heures à regarder les cendres, que le jour, tombant verticalement, effleurait d’une lumière bleue.

Tous les bruits se taisaient. Le vieux chat Marquis ronronnait voluptueusement au creux de l’âtre, ouvrant parfois ses prunelles cerclées d’or. Un coquemar de terre brune laissait fuser une fine vapeur de son couvercle et poussait un chantonnement doux, qui était aussi un ronron lourd de sommeil. Le merle sautillait dans sa cage, approchant des barreaux son œil vif. Un hérisson courait sous les meubles ; on entendait ses