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de dentellerie, qui jadis récréaient ses doigts par leur grâce menue, qui la faisaient rêver de baptêmes et de mariages, lui paraissaient maintenant une tâche odieuse, qu’elle accomplissait avec dégoût.

Toute la vie semblait morte dans le village ; les vignerons se calfeutraient dans leurs maisons closes par crainte du froid, passant leur temps à boire le vin gris trouble, à racler des échalas, ou à battre le seigle dans leurs granges.

Marthe restait seule, trouvant un charme amer, une consolation désespérée à retourner ses pensées maussades, et elle évitait toute conversation avec ses parents qui, ne sachant que supposer, se désespéraient.

Pourtant c’étaient des braves gens, ces Thiriet, les parents de Marthe.

La mère Catherine d’abord : une vieille femme tranquille, souriante, effacée, qui vivait dans l’adoration de son mari et de sa fille. Ses jours se passaient à brosser, à nettoyer, à fourbir. Elle savait des recettes de cuisine et cela lui valait dans le village la réputation d’un cordon bleu. Elle sortait de son calme, quand on lui parlait d’un plat nouveau, d’une sauce à confectionner. Alors elle s’animait, donnait ses idées. Les veilles de fête surtout, elle était amusante à voir avec son tablier tourné sur les hanches, son bonnet dont les brides dénouées encadraient son visage incendié par le coup de feu des fourneaux.

Le reste du temps, elle se tenait dans un coin, ne disant pas grand’chose.

Le père Jacques Thiriet était un fameux garde. Éveillé dès le chant du coq, il arpentait la grande pièce, chaussé de guêtres de coutil blanc, le képi sur