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sur la côte, et on regardait les imbéciles tirant le diable par la queue.

Pierre ne disait pas non. Toutes ces raisons, qu’il avait tournées dans sa tête, prenaient en passant dans la bouche d’autrui une ampleur.

Une ombre de mélancolie voila les beaux yeux de Marthe. Ils sortirent pour faire un tour dans le jardin, en attendant l’ouverture du bal.

La fête battait son plein dans le village. On entendait les sons pleurards de l’orgue de Barbarie, arrivant par bouffées, avec le vent ; des pétards partaient, soulevant des aboiements de chien, et les détonations cassantes des tirs forains secouaient le grand silence automnal.

Ils marchaient à pas lents dans les allées bordées de buis nains. S’étant assis au fond d’une charmille, dont les branches dépouillées jetaient dans le vent une rumeur sèche, ils regardaient le pays, les prés roussis par les premières gelées, la fuite du Bouvade sous des saules grisâtres, l’ondulation des chaumes que des fils d’araignée revêtaient d’un réseau brillant, tissu d’argent où s’engluaient des clartés.

Il faisait très chaud. Marthe se surprenait à aimer toutes les choses environnantes, autant pour leur paix profonde, que comme des témoins de son bonheur. Une sorte de ravissement, un engourdissement de béatitude l’envahissaient à contempler la fosse du moulin où des herbes brillantes ondulaient, la roue moussue qui clapotait dans ce flot, le toit de tuiles rouges tout animé d’un vol de pigeons tourbillonnant.

Une rose pendait aux branches d’un buisson, une de