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buvait de larges rasades de vin de Lucey, un vin fameux dont le meunier faisait l’éloge, débouchant les bouteilles avec précaution, essuyant le goulot de la paume de sa main pour en faire tomber les parcelles de cire.

On se portait des santés à la ronde, rappelant le souvenir des absents, des joyeux lurons qui manquaient à la fête.

Le meunier s’exclamait, tourné vers les jeunes gens.

— Un beau couple tout de même, faut vous marier ensemble, mes enfants, pour conserver l’espèce.

Il continua :

— Les gens, c’est comme les bêtes, sauf vot’ respect. Une supposition, un cheval vaut huit cents francs ; si on trouve son pareil, chacun des deux en vaut mille.

On applaudissait.

Excité, le meunier retrouvait au fond de sa mémoire toutes les calembredaines, tous les coqs-à-l’âne, toutes les balourdises qui traînent dans la conversation des paysans.

Pourtant on en vint à parler d’affaires plus importantes. On déplorait la misère des campagnes, le manque de bras, l’avilissement de la terre, dont on ne faisait plus d’argent, quand on la vendait. Les doléances se croisaient, criant famine au sortir de ce festin plantureux. Les bougres n’en pouvaient plus, avaient le ventre plat, les dents longues ! Le meunier, de son air finaud, donnait des conseils à Pierre. Il était jeune et robuste, il ne resterait pas dans ce pays de misère. Quand on savait s’y prendre, on avait vite fait d’amasser une fortune. Alors on se laissait vivre dans une petite maison de rentier, bâtie en briques,