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cette jeunesse, sa naïveté, le don absolu qu’elle faisait de sa personne, autant de douceurs émouvantes qu’il était prêt à savourer.

C’est vrai qu’on serait heureux avec une femme pareille, en qui on aurait confiance. Sans compter que c’était un bon parti, avec sa grande maison, les champs, l’argent qu’avait dû économiser le vieux garde.

Cette nouvelle conquête flattait son orgueil. Il aurait dû s’en douter depuis longtemps à voir ses petites mines confuses, ses airs rougissants, les coups d’œil sournois qu’elle lui lançait à la dérobée.

Elle s’abandonnait à la douceur du moment, devinait les choses qui se passaient en lui, s’enivrait de la douceur de son étreinte.

Ils promirent de se revoir.

Ça tombait bien. Elle devait aller à la fête de Bicqueley, le dimanche suivant. Le meunier de Bouvade, un vieil ami de son père, les pressait depuis des années d’accepter son invitation. Pierre, qui connaissait le meunier, l’accompagnerait. Les vieux resteraient au logis, car leur temps était passé et les jeunes gens feraient la route ensemble.

Ils se frappèrent joyeusement dans les mains, comme pour conclure une affaire.

La rafale d’instant en instant se faisait plus violente. Le village se taisait : seul un ronflement de machine à battre, montant au fond d’une grange, emplissait la nuit pluvieuse de son murmure de vie obstinée, s’acharnant pour le pain de chaque jour. Sous les souffles froids qui balayaient le ciel, la charpente du hangar vibrait, frémissait, parcourue de craquements sonores.