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calme solitude flottait dans le silence. On entendait derrière le mur le mâchonnement monotone d’une vache ruminant devant sa crèche : la bête par moments tirant le foin du râtelier, sa chaîne sonnait sur le bord de la mangeoire. Des lapins, qu’on ne voyait pas, grignottant le treillage en fil de fer de leur baraque, faisaient entendre un petit bruit métallique, pénétrant et inquiet. Et les gouttes d’eau tombant du toit, s’écrasant sur la terre, les arbres secoués par la rafale, toute la vie nocturne du jardin frissonnant dans le noir accentuaient singulièrement la tiédeur, la paix profonde de cet abri.

Ils se parlaient bas, remués et attendris par le mystère environnant. Et les mots qu’ils murmuraient, retombant sur leurs cœurs, y prolongeaient d’ineffables vibrations. Parfois ils se taisaient, comprenant que les paroles étaient inutiles, trouvant même à leur voix une sonorité étrange, qui détruisait le calme de leurs pensées.

Et tandis qu’ils restaient là les mains jointes, leurs esprits vagabondant cherchaient à pénétrer dans les brumes de l’avenir le secret de leurs destinées.

Pierre se sentait ému, gagné par un attendrissement insolite qui lui donnait la sensation de découvrir un être nouveau en lui. Il fallait que cette petite fille l’aimât bien tout de même pour lui avouer sa tendresse du premier coup. Quelque chose naissait en lui de doux, de fort, de contenu, qui n’était pas l’amour qu’il avait connu jusque-là, qui tenait aux racines de son être. Comme cela le changeait des coureuses, des « trapelles », des filles de rien qu’il avait fréquentées jusque-là. Elles savaient ce qu’on attendait d’elles. Mais l’ignorance de