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attendris, presque comiques à force de répétitions, qui provoquaient chez Pierre un haussement d’épaules.

Lui, il était dans la force de l’âge, au moment où la poussée irrésistible de la sève rend les hommes forts, triomphants, insensibles, où la splendeur de la vie, le magnifique égoïsme de la santé leur dissimule la misère, la maladie et la mort.

Aussi les longs épanchements du vieux avaient le don de lui déplaire, et quand Dominique s’apitoyait, lui parlait de sa naissance, de son baptême, souhaitait la venue de petits enfants qui égayeraient ses vieux jours, Pierre lui coupait nerveusement la parole :

— C’est bon, père. Assez de rengaines. On n’a pas de temps à perdre !

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

On était misérable.

Le métier devenait chaque jour plus mauvais, au dire du vieux qui ne cessait pas d’établir des comparaisons entre les gains d’autrefois et la maigre paye d’aujourd’hui.

Frappées dans leur fécondité, la terre et les eaux ne nourrissaient plus les hommes. Ils avaient bien quelque bout de champ, une maigre vigne. Encore ce bien, grevé d’hypothèques, les écrasait-il sous le poids d’une dette à payer, sans cesse grossie par l’accumulation des intérêts, un fardeau qui sans cesse retombait sur eux, comme une pierre qu’on roule sur une pente.

Que de fois, ayant travaillé pendant des semaines, quand il leur arrivait de toucher un peu d’argent à la poste, ces pièces de monnaie ne faisaient que passer entre leurs mains, et s’en allaient tout de suite chez le notaire ! Ils les alignaient au bord de la table, sous