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lancoliquement sur les eaux, qui meurent dans l’air froid de cette matinée de novembre. Il semble que tous les bruits sont morts, tués par l’approche de l’hiver et, sur les prés roussis par les premières gelées, ne tournoient plus ces atomes impalpables, ces bestioles bourdonnantes, qui sont le pullulement de la vie universelle.

Par moments de longs souffles froids passent, agitant les joncs flétris, entre-choquant les roseaux desséchés. Dressant sur le ciel la maigreur grelottante de leurs branches, les peupliers laissent tomber dans le vent, une à une, leurs feuilles jaunies. Et le fleuve entre ses rives de terre croulante, détrempées par les pluies d’automne, coule d’une fuite rapide, égale et monotone.

L’eau est salie par les crues récentes. Le vieux pêcheur peine encore sur les eaux solitaires. Plus faible et plus cassé, il a peine à soulever l’échiquier, pourtant rapetissé à la taille d’un jouet d’enfant. Il n’attend plus rien, n’espère plus rien de la vie : pourtant il faut qu’il s’acharne du matin au soir, pour le labeur persévérant et vain : ses yeux pâles sont pleins d’une stupeur résignée.

Les choses, les humbles choses qui l’entourent ont vieilli, elles aussi, subissant cette morsure du temps, cette atteinte de la dent rongeuse, qui les mine sourdement, qui les fait dépérir plus lentement que les créatures vivantes, mais qui en vient à bout, à force de patience tenace, d’efforts minutieux sans cesse répétés. La vieille barque a des trous dans sa membrure, des trous qu’on a réparés avec des morceaux de bois neuf. Le pot de fer, où des charbons braisillent, est aussi un peu plus ébréché. Et la barque oscille à chaque mou-